Pourquoi eux, pourquoi pas moi ?

Jamais je ne me suis exprimée sur la question du Téléthon, parce que je n’ai jamais été directement concernée par ce problème (je ne suis pas atteinte d’une maladie génétique. Mon handicap est la trace indélébile que ma naissance a laissé sur mon corps) et je trouvais que les militant-e-s directement concerné-e-s lui faisaient suffisamment sa fête (et j’avoue, je trouve ça très drôle – et reposant –  de regarder ça de loin). Mais maintenant, je me permets de sortir de ma réserve, parce qu’en lisant ce soir des trucs sur le Téléthon, je viens de penser à la petite fille qui regardait, en 1996-97, cette émission. Elle était contente de voir des enfants qui lui ressemblaient (un peu) et devant lesquels Sophie Davant faisait des gouyou-gouyou. Et la petite fille se demandait aussi « pourquoi eux ? et pourquoi pas moi ? ». La petite fille était un peu jalouse quand elle voyait ses chanteurs préférés (oui, la petite fille avait des goûts musicaux un peu spéciaux à l’époque) parler aux enfants dans la télé, et pas à elle ? En plus, ces enfants conduisaient des voitures avec des joysticks, comme à Mario Kart, et ça avait l’air trop bien. Et en plus, il y avait certains copains-copines du kiné qui allaient le soir, Place de la Comédie à Montpellîer, et iels allaient voir la grande scène, les illuminations de Noël, le sapin de Noël, et iels allaient manger des bonbons et plein de barbapapas. Et un jour, la petite fille a demandé à sa maman : « pourquoi ils font pas tout ce tralala pour des recherches pour calmer mes douleurs à moi, au lieu de ne vouloir me donner que de l’Artane ? » (l’Artane est un médicament qui donnait tout le temps envie de dormir à la petite fille et l’empêchait de suivre à l’école. Ça lui a appris que, soit elle avait mal mais pouvait aller à l’école, soit elle n’avait pas mal mais dormait à l’école…). Et la petite fille s’est alors peu à peu dit, à huit-neuf ans, que son handicap à elle n’intéressait personne, qu’il était la cinquième roue du carrosse et qu’elle était une handicapée irrécupérable.

Voilà ce que le Téléthon a soufflé à l’oreille de la petite fille. Dans le sillage du validisme, le Téléthon instaure une hiérarchie entre valides et handicapé-e-s bien sûr, mais aussi entre les personnes handicapées elles-mêmes. Une hiérarchie, une distinction, qui transparaît, entre autres, dans ces mots qu’un petit garçon handicapé a lancé à la petite fille, lors d’un goûter d’association : « moi je parle et je marche, toi tu peux même pas parler ». La petite fille a alors fait semblant de se tromper de direction et lui a foncé dessus, en pensant : « oui, mais maintenant, moi j’ai un fauteuil ».

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