Sans titre

Où sont tes mots, maintenant que tu n’es plus avec moi, maintenant que tu n’es plus que flamme, terre ou distance ineffable ? Où sont passés tes mots que tu disais devant moi, pour moi ou pour d’autres, pour décrire une sensation ou pour emmerder les voisins ? Ils sont maintenant comme des fantômes qui semblent avoir disparu dans le silence de ta mort ou les abymes qui, désormais, nous séparent. Parfois, on a bien trop à faire avec les fantômes des mortes pour s’encombrer de ceux des vivantes ; alors on les fait taire pour un temps, pour écouter le silence des mortes. Dans l’écho du souvenir, par-delà l’énigme et la mémoire, tes mots me reviennent. Avec toi, est parti tout un univers de gestuelle vocale, de mimiques langagières, de petites manies orales. Avec toi, est partie ta voix ; sont partis tes mots ; et c’est tout un monde qui a été livré au silence, jeté dans la gueule de la mémoire. Des échos me viennent parfois, dans l’instant d’un souvenir. Tes mots, je les croise au coin de la rue. Ils m’ont fait peur au début ; et j’ai préféré la nostalgie à la mémoire. Mais j’ai dû apprendre à laisser s’exprimer ton fantôme un jour circonscrit, pour qu’il ne me hante pas le reste du temps. J’ai alors quitté la nostalgie, ce refuge du passé, pour me consacrer à la mémoire, cette actualité qui regarde le passé sans peur ni tristesse et tend vers l’avenir. Maintenant, tes mots, je les ai parfois sur le bout de la langue. J’ai réaménagé mon vocabulaire pour te laisser de la place et accueillir tes mots lorsque je les rencontre à nouveau. Dans ton mutisme, j’use de tes mots, sans très bien savoir qui est le ventriloque de qui. Tes mots sont désormais dans mon langage.

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