Cette année, soyons fières.

Cette année, pour vous souhaiter de bonnes fêtes, j’ai décidé de faire quelque chose que je n’avais jamais fait jusqu’à présent parce que j’en avais peur : vous parler. Ma voix était le dernier bastion de ma haine de moi que je n’avais pas encore conquis. Jamais je n’aurais cru pouvoir l’exposer sans crainte devant vous.

 

Dans cette vidéo, il est question de fierté. Comme dans le thread qu’a écrit Elena Chamorro, une meuf que j’aime au-delà de tout – au-delà même de ses extraordinaires goûts musicaux ou de ses incroyables capacités culinaires.

« Lorsque je suis devenue handicapée, il y a quelques années, j’ai fait une première sortie hors de l’hôpital, sortie dite thérapeutique, dont le but était que je me confronte, m’a- t-on dit , au regard des autres.
On m’a amenée donc à une rencontre où il y avait d’autres personnes handicapées, certaines polyhandicapées.
Ma première réaction a été de me dire : « je ne suis pas comme eux ». Moi, j’ai juste eu un accident. Eux, ils sont nés comme ça. Dans ma tête, à l’époque, le handicap représentait le raté, le laid, l’inférieur et je ne voulais pas être associée à cela.
J’ai par la suite entendu beaucoup d’autres personnes handicapées dire qu’elles avaient honte : honte de leur état, honte de leur corps. Nos corps « hors norme », à nous, femmes et hommes handicapé.e.s, sont invisibilisés ou montrés de façon bien précise, dans des scénarii bien précis, sous un jour que nous n’avons pas forcément choisi.
Cette semaine, deux camarades du CLHEE, Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation, se sont exprimées au sujet de leurs corps qu’elles ont, elles, visibilisés comme elles ont voulu.
Il a fallu un long cheminement à mes camarades pour déconstruire le désamour de soi qu’on leur a inculqué, pour aimer leurs corps, pour revendiquer leur légitimité partout, dans tout et pour tout.
Il nous a fallu un long cheminement pour aimer nos corps. Nous aimer, nous affirmer en tant que femmes handicapées fait partie de notre processus d’émancipation
Je veux me joindre à @elisarojasm, qui a posté une photo d’elle sur twitter accompagné du message suivant : « Il fut un temps où je ne supportais pas de me voir en entier dans un miroir. Ce temps -là est révolu et j’aimerais qu’un jour toutes les femmes handicapées sachent qu’elles sont belles
Je veux me joindre à No Anger qui a posté une carte de voeux, sous forme de vidéo  […]
Je me joins à elles pour affirmer ma fierté. Pour dire que je m’aime et que je les aime et je dédie ma photo au gynécologue qui me dit, il y a quelques années, que je n’étais pas légitime pour être mère
#Fières #Fortes #Visibles#Belles #Légitimes #CorpsPolitiques

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Elisa Rojas

 

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Elena Chamorro

Moi, No Anger, je veux me joindre à Elena Chamorro et Elisa Rojas pour exprimer ma fierté d’être ce que je suis. Je veux dire à tous et à toutes que la violence, que notre corps absorbe au quotidien, n’est pas la responsabilité de nos seuls corps. Elle relève de la responsabilité collective. Non, nos corps ne sont pas des exceptions monstrueuses et dangereuses. Ne culpabilisons plus d’être ce que nous sommes. Ne nous forçons plus à expliquer notre corps. Ne nous excusons plus d’être ce que nous sommes. Ne nous excusons plus d’exister.

Un jour – qui a en fait duré des années –, je me suis dit : « tu n’auras pas d’autre corps. N’attends donc pas d’avoir un corps plus légitime. Puisqu’il existe, il est déjà légitime, face au regard des autres et face à ton propre regard ».

J’ai commencé à me sentir fière de mon corps ; à sentir combien il était beau. Bonjour, mon corps. Tu étais là, beau, pendant tout ce temps ; et je l’ignorais ; et je te méprisais. Excuse-moi, mon corps. Tu es semblable à cet enfant qu’on a injustement accusé, mais qui n’y était pour rien. Un enfant précieux. Maintenant, je vais prendre soin de toi. Prendre soin de moi ».

Je vous raconte ma fierté. Elena et Elisa vous racontent la leur. C’est important de le faire ici devant vous.
Parce qu’il y a quelques jours, j’ai retrouvé un texte où la collégienne que j’étais à l’époque confiait ses envies suicidaires, ce qui ne laissait pas présager que, quinze ans après, je confierais dans un autre texte mon envie de me marier avec moi-même.
Parce que nous avons triomphé de la honte et de la haine de soi et apprivoisé l’étrangeté et la répugnance qu’on apposait sur nos chairs.
Parce que la fierté est un travail, un travail de longue haleine. Parce que la fierté comme travail peut être contagieuse à tous les corps…
Parce que ces deux meufs-là, je les aime.
Parce que nous sommes fières.
Parce que nous sommes belles.
Parce que nous n’avons plus peur.
Parce que nous avons décidé d’être visibles et de ne plus nous cacher.
Parce que nous sommes nous, pas plus pas moins que vous.

Et sinon, qu’allez-vous faire cette année ? Moi j’ai décidé de me marier avec moi-même. Oui, je l’annonce ici officiellement : je m’épouse.
Comme dit un-e ami-e, ça pourrait être une bonne question que pourrait poser 0un psychanalyste : « vous aimez-vous assez pour vous demander vous-même en mariage ? ».
Je réfléchis depuis un an à cette question et la réponse s’est faite de plus en plus évidente au fil des mois : « oui ».
C’est une loufoquerie des plus sérieuses qui reflète une longue maturation de la pensée. Je considère que c’est quand même un sacré truc d’apprendre à s’apprivoiser, d’apprendre que ce n’est pas si grave d’être soi, d’apprendre à se sentir légitime, et non coupable d’être qui on est, d’apprendre à ne pas s’excuser d’exister. C’est très difficile lorsqu’on est valide… alors, j’vous dis pas lorsqu’on est handicapé : on doit s’inventer, se réinventer, se mouvoir dans des normes trop étriquées pour notre corps, notre corps qui, à la longue, nous paraît monstrueux ; on doit apprendre à avoir un corps (mais ça, c’est tout le monde qui doit le faire). Mais on doit surtout apprendre que, parce qu’on a des pieds d’argile, on est avant tout un colosse, un colosse qui, malgré tout ce qu’on peut dire sur lui, peut se suffire à lui-même, se sauver lui-même et ne pas attendre qu’on le sauve. Apprendre qu’on n’a pas besoin d’une cuirasse, tant qu’on a un squelette. Apprendre à s’apprivoiser. Dans certains cas, l’apprivoisement est politique et il faut le célébrer. Dans quelques mois, je célèbrerai donc mon apprivoisement. Je célèbrerai ma fierté.

Je souhaite qu’un jour, vous aussi, vous célèbrerez votre fierté. En attendant, surtout, n’oubliez pas cette année que vous êtes beaux et belles en votre corps.

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