Communication pour la J. E. « Handicap et Intimité » du 21/01/2013, Lille.
On peut voir un paradoxe qui sous-tend l’expression : « droit à l’intimité ». En effet, on met en relation deux mots qui renvoient à deux réalités, deux mondes, apparemment opposés. Ainsi, le droit appartient à la sphère sociale et publique, alors que l’intimité est l’expression même du privé. Mais ces sphères ne sont opposées qu’en apparence, et penser leur relation en termes d’interdépendance ou de complémentarité nous semble plus pertinent. De multiples problèmes se posent lorsque l’on considère certaines catégories de populations, notamment les personnes handicapées : le rapport entre handicap et intimité ne semble pas évident à cerner. Effectivement, par l’état de dépendance que le handicap engendre, le rapport au corps diffère car, souvent, la personne handicapée n’a pas un accès direct à son corps, mais a besoin de passer par l’intermédiaire de ceux qui l’entourent. C’est ce rapport indirect au corps qui rend la question du besoin d’intimité – et donc du droit à l’intimité – si complexe et si problématique. De plus, on remarque que les questions liées au corps handicapé ont du mal à trouver leur place dans la logique sociale actuelle. Comment penser ces deux nécessités dans un dispositif juridique, ou à tout le moins, dans un raisonnement éthique ? Quelles modifications des représentations cette entrée d’un droit à l’intimité implique-t-elle ? La personne handicapée peut-elle s’approprier un droit à l’intimité qui semble, a priori, lui échapper ? Poser la question d’un droit à l’intimité pour les personnes handicapées, c’est poser la question du rapport entre le pouvoir (au sens foucaldien) et le handicap, la place d’un corps handicapé dans la logique sociale.
Ce qu’induit la parentalisation de l’aidant.
Pour réfléchir à ce point, je vais m’appuyer sur des propos que j’ai déjà développés dans mes interventions à la radio ou au colloque des U.E.E.H (Universités d’Eté Euroméditerranéennes de l’Homosexualité) Ces propos portaient sur l’infantilisation de la personne dépendante et son pendant, que l’on pourrait appeler la parentalisation de l’aidant. J’ai établi ce constat à partir de mon expérience personnelle, des discussions que j’ai pu avoir avec mes aides de vie ou d’autres professionnels du handicap, mais aussi à partir d’une enquête que j’ai faite dans un E.E.A.P. (Etablissement pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés).
Pour définir la notion de parentalisation, je vais vous raconter deux anecdotes qui permettront de cerner ce que j’entends par là.
La première anecdote est tirée de mon enquête dans l’E.E.A.P. A vrai dire, il s’agit moins d’une anecdote qu’un constat. En effet, lors des journées que j’ai passées avec les adolescents polyhandicapés et les adultes qui les encadrent, j’ai noté qu’outre un fort lien affectif entre les ados et les soignants, une relation de confiance d’autant plus nécessaire que les premiers confient leur corps, leur être même, aux seconds ; la structure assure aussi certaines tâches parentales concrètes (lever, langer, habiller, aider à manger, border, etc.). Les aidants ont aussi à l’esprit l’idée de socialisation de l’enfant et de l’ado, ayant un handicap moteur et/ou mental. Les aidants doivent lui transmettre les codes sociaux sans lesquels il ne sera pas intégré dans le groupe, lui enseigner ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. En un mot, l’éduquer. Cela montre que vis-à-vis de ces enfants et adolescents handicapés, l’aidant a une fonction et donc, une posture parentale.
Mais peut-être la thèse de la parentalisation convient-elle davantage dans le cas d’enfants ou d’adolescents, moins dans le cas d’adultes handicapés ? Pour ma part, je ne pense pas. J’en viens maintenant à ma seconde anecdote : le cas d’un homme handicapé, d’une cinquantaine d’années, qui vivait en institution, mais qui possédait également un appartement, pour changer d’air le week-end. Il y voyait sa compagne. Quand le directeur de l’institution l’a su, il lui a interdit de sortir, sous prétexte d’assurer sa sécurité. Cet homme n’a plus jamais pu aller à son appartement, ni voir sa compagne ; et jusqu’à sa mort, qui est survenue peu après, il n’a plus quitté l’institution. On voit donc une certaine tendance à l’infantilisation de l’adulte handicapé : le directeur s’est érigé dans une sorte de posture parentale qui lui a fait considérer l’adulte handicapé dans sa vulnérabilité physique et donc, selon lui, mentale ; et non pas dans sa rationalité d’adulte. On peut aussi supposer, dans cette attitude une certaine appréhension face à la sexualité de cet adulte.
Certes, le cas de cet homme n’est nullement généralisable ; mais dans toute relation de dépendance physique, l’aidant peut avoir un certain pouvoir sur le corps de l’aidé. Le risque, alors, n’est jamais nul qu’il s’arroge le droit de s’approprier l’existence de la personne qu’il/elle assiste.
La personne handicapée, comme un éternel enfant ?
Ainsi, la dépendance physique induit des représentations qui s’érigent autour de la personne dépendante et handicapée. Parentalisation de l’aidant et infantilisation de l’aidé sont très liées à une perception de la personne handicapée comme un être vulnérable de corps qu’il faut protéger des autres et de lui-même. Les représentations de la personne handicapée qui parcourent les logiques sociales actuelles ne sont pas sans rappeler un autre système d’images et de significations qui gravitent autour d’une autre catégorie de population : les enfants.
Ainsi, un enfant est toujours considéré comme un petit être dont la force physique et la raison n’ont pas encore atteint leur développement plein et entier, un être à protéger et à contrôler. On retrouve donc, ici encore, les idées de vulnérabilité, d’irrationalité – ou du moins, de rationalité limitée –, de protection et de contrôle. Les représentations liées au handicap et à l’enfance semblent donc se superposer.
Maintenant, considérons un instant l’histoire du rapport entre l’enfance et la sexualité. Pour mener cette réflexion, je vais m’inspirer des recherches de Foucault.
Je rappelle tout d’abord la définition foucaldienne du pouvoir. En effet, pour Foucault, le pouvoir n’est pas délimité au seul cadre institutionnel mais, par sa diffusion dans les diverses relations entre individus, il se reflète dans tous les rapports de forces qui constituent le monde social : entre médecin et patient, professeur et élève, parent et enfant.
Ceci étant posé, nous pouvons aborder l’histoire de la sexualité que Foucault fait notamment dans le tome I de son Histoire de la sexualité, « La volonté de savoir » que je vais utiliser à plusieurs reprises dans mon exposé. L’approche foucaldienne est d’autant plus intéressante qu’elle montre comment le pouvoir investit le champ sexuel.
Au XIXème siècle, s’est instituée une médecine du sexe. Cette médecine produisait des discours sur le sexe, dont le contenu, pour aller vite, était moins scientifique que moral, mais qui, en fin de compte, permettait de mettre en ordre la société en diverses catégories : le normal, le pathologique, l’anormal, le licite, l’illicite, etc. La médecine du sexe se fondait, entre autres, sur le postulat d’une « causalité générale et diffuse ». Ainsi,
« Le sexe est doté d’un pouvoir causal inépuisable et polymorphe. L’événement le plus discret dans la conduite sexuelle […] est supposé capable d’entraîner les conséquences les plus variées […] Des mauvaises habitudes des enfants aux phtisies des vieillards […] la médecine a tissé tout un réseau de causalité sexuelle. ». (Foucault, La volonté de savoir, Paris, Tel-Gallimard, 1976, p.87-88).
On le voit ici : l’enfance est aussi concernée par le postulat « le sexe cause de tout ». Les médecins vont alors décréter que la sexualité infantile était néfaste pour la santé des enfants : la masturbation deviendra alors l’objet d’un immense dispositif de contrôle, dans lequel les parents auront une place importante. En effet, un glissement se produit du contrôle médical au contrôle parental : les médecins vont demander aux parents de surveiller leur progéniture pour qu’elle ne se livre pas à des actes onanistes.
« On a alerté les parents et les éducateurs, on a semé chez eux le soupçon que tous les enfants étaient coupables […] on les a tenus en éveil devant ce danger récurrent ; on leur a prescrit leur conduite et recodé leur pédagogie ; sur l’espace familial on a ancré les prises de tout un régime médico-sexuel. ». (ibid., p.58).
Etant les plus proches du corps de l’enfant, les parents vont alors exercer un certain contrôle sur son corps. On peut même parler d’investissement par les parents du corps de leur enfant. Par ce contrôle parental quasi-total de la sexualité infantile, le pouvoir médical, et le pouvoir en général, investit aussi le corps de l’enfant.
Ces préalables posés, je peux en revenir à mon propos sur le handicap et mettre en parallèle, voire en relation les deux situations. En effet, dans les deux cas, il y a appropriation du corps soit de l’enfant par ses parents, soit de la personne handicapée par ses aidants. Cela éclairerait le malaise social autour de la sexualité des personnes handicapées, ainsi que la tendance à l’angélisation de la personne handicapée et donc, à son asexualité supposée.
Bien sûr, cela n’est qu’une simple hypothèse, sans doute discutable. Néanmoins, il me semble que ce rapprochement peut ouvrir de nombreuses pistes de réflexion et de recherches.
Droit et individu
Donc, la personne handicapée, souvent considérée comme un éternel enfant, peut être encore soumise, à l’âge adulte, sous prétexte de la protéger, à nombre de restrictions de ses libertés auxquelles, par son âge, elle pourrait avoir accès. De là, on peut se demander si les représentations autour du handicap, et le handicap en lui-même, n’empêcherait pas l’accès à la pleine individualité de la personne handicapée.
Attardons-nous un instant sur le terme d’individu et la notion d’individualisme ; car cette notion peut permettre d’apporter un regard nouveau sur les problématiques qui nous préoccupent aujourd’hui. Pour cela, voyons quelle est la conception individualiste de l’homme. Dans la théorie politique de l’individualisme possessif, Macpherson, un politologue canadien et spécialiste des pensées libérales et individualistes du XVIIème siècle anglais, en donne une définition très claire :
« A cette époque, l’individu n’est conçu ni comme un tout moral […] mais comme son propre propriétaire. […] L’individu, pense-t-on, n’est libre que dans la mesure où il est propriétaire de sa personne et de ses capacités. Or, l’essence de l’homme, c’est d’être libre, indépendant de la volonté d’autrui, et cette liberté est fonction de ce qu’il possède. ». (Macpherson, La théorie politique de l’individualisme possessif, 1962, Paris, éd. Gallimard, coll. Folio-Essais, 2004, p.18-19).
On me répliquera que les pensées individualistes du XVIIème siècle datent un peu. Bien sûr, depuis trois siècles, l’individualisme a connu de profondes modifications ; mais je ne crois pas me rendre coupable de faire une lecture téléologique de cette histoire en disant que l’actuel cadre de pensée individualiste repose encore sur les mêmes postulats de liberté et de propriété.
Or, de prime abord, la personne handicapée ne semble pas totalement propriétaire d’elle-même, de son corps, du fait de son immobilité physique – ou du moins, de sa moindre mobilité – de ses difficultés mentales ou psychiques. C’est l’une des conséquences de la dépendance et de la relation aidant/aidé, dont on a déjà parlé. Ainsi, pour certaines personnes handicapées, le corps, leur propre corps, apparaît comme un territoire inconnu, qu’elles ne peuvent explorer, et donc s’approprier. Leur corps est toujours laissé aux mains d’autrui, et cela pour des tâches qui excluent toute notion de plaisirs ou d’affectivité : toilette, soins, rééducation, etc. En résulte donc un sentiment d’étrangeté de leur corps, de leur sexe, accentué par le manque de discursivité autour de la sexualité des personnes handicapées. C’est un des points qui est ressorti de mon enquête au sein de l’E.E.A.P., où j’ai constaté que très peu d’éléments étaient prévus pour libérer la parole sur le corps et la sexualité.
Le handicap crée donc une frontière invisible entre son corps et soi-même, mais aussi entre le corps handicapé et le monde social. Pour nombre de personnes valides, un corps différent est chose étrange et étrangère, qui échappe parfois à toute représentation et à toute appropriation. Cela peut expliquer certaines peurs ou appréhensions que peut susciter, chez certains, la vue d’un corps handicapé.
L’obtention d’un droit à l’intimité, ainsi que la mise en place de dispositifs juridiques et matériels nécessaire à son application permettrait une réappropriation du corps, tant au niveau de la personne qu’au niveau des logiques et représentations sociales. La reconnaissance de droits pour une catégorie de population signifie l’inclusion de cette catégorie dans le territoire connu du monde social. Plus spécifiquement, un droit à l’intimité permettrait à la personne handicapée de quitter le statut de l’éternel enfant, car la sexualité est chose d’adulte – et de gagner ainsi des libertés propres au statut d’individu.
Donc, l’acquisition de nouveaux droits – et d’un droit à l’intimité en particulier – permet de voir la personne handicapée autrement et de considérer, avant tout, son individualité plutôt que son handicap. Cependant, au niveau des personnes, la médiation d’autrui reste à penser et à définir dans le rapport entre la personne dépendante et son propre corps. Mais je ne traiterai pas cette question car cela relève moins du politique que du psychologique, qui n’est pas mon domaine d’étude. Je préfère aborder un tout autre thème.
Les dynamiques militantes en question
Je viens d’aborder l’appropriation du corps handicapé par le monde social. De là à parler de son appropriation par le pouvoir, il n’y a qu’un pas. Pour développer ce point, je vais m’inspirer à nouveau de Foucault.
Selon cet auteur, depuis le XVIIème siècle, le pouvoir n’a eu de cesse de parler et de faire parler du sexe. C’est la thèse de La volonté de savoir, s’opposant ainsi à l’hypothèse répressive, soutenue par le courant du freudo-marxisme. Selon les freudo-marxistes, depuis le XVIIème siècle, le pouvoir, dans les sociétés dites bourgeoises a eu, envers les discours sur sexe, une attitude répressive. Cependant, Foucault réfute l’hypothèse d’un mutisme pudique que le pouvoir aurait installé autour du sexe et des plaisirs :
« Or, à prendre ces trois derniers siècle dans leurs transformations continues, les choses apparaissent bien différentes : autour, et à propos du sexe, une véritable explosion discursive. […] Mais l’essentiel, c’est la multiplication de la parole des discours sur le sexe, dans le champ d’exercice du pouvoir lui-même : incitation institutionnelle à en parler, et à en parler de plus en plus […] » (Foucault, op. cit., p.25-27)
Ainsi, pour Foucault, le pouvoir, loin de réprimer les discours sur le sexe, inciterait les individus à parler de plus en plus de sexe et de leur sexe. Il apparaît clairement que, depuis le XVIIème siècle, les dispositifs discursifs se sont amplifiés et structurés autour du sexe et des plaisirs. Foucault montre que ces dispositifs discursifs, pour aller très vite, sont structurés par des logiques de pouvoir assez prégnantes, ce qui permet au pouvoir un meilleur contrôle et une meilleure maîtrise sur le corps, le sexe et l’identité de l’individu, ses pensées, son devenir dans la société.
Dès lors, on peut se demander si le mouvement militant de revendication d’un droit à l’intimité ne participe pas de cette logique du pouvoir. Au fond, en parlant du rapport problématique entre handicap et sexualité, nous rendons audible et exprimable une réalité qui échappait encore plus ou moins au pouvoir. Parce qu’il va accorder un droit, le pouvoir disposera d’un nouvel instrument de contrôle et de maîtrise sur les corps handicapés, nouveaux venus dans l’imagerie sociale.
Je sais que mon dernier propos, assez provocateur, va rencontrer nombre de protestations ; mais je crois que c’est une piste de réflexion à ne pas ignorer pour militer avec lucidité et pertinence.
La dépendance physique fait voir la personne handicapée comme un éternel enfant. Ainsi, les images, liées au domaine symbolique de l’enfance, se superposent, sur celles, liées au handicap: la personne dépendante est un ange auréolé d’innocence, un être vulnérable, que l’on doit protéger, en restreignant parfois ses libertés. L’entrée des problématiques, inhérentes au rapport, entre handicap, intimité et sexualité, dans le champ du droit, permettrait donc une reconsidération de l’individualité des personnes handicapées et la réappropriation du corps, par ces personnes, mais aussi par l’ensemble de la collectivité. Cependant, deux questions, semblent se dégager, maintenant: celle de la médiation d’autrui, dans la relation, qu’entretient la personne dépendante, à son propre corps, et celle, non moins importante, de l’installation, d’une mainmise du pouvoir, autour du corps handicapé.
» L’individu, pense-t-on, n’est libre que dans la mesure où il est propriétaire de sa personne et de ses capacités. Or, l’essence de l’homme, c’est d’être libre, indépendant de la volonté d’autrui, et cette liberté est fonction de ce qu’il possède. ». (Macpherson, La théorie politique de l’individualisme possessif, 1962, Paris, éd. Gallimard, coll. Folio-Essais, 2004, p.18-19).
On me répliquera que les pensées individualistes du XVIIème siècle datent un peu. Bien sûr, depuis trois siècles, l’individualisme a connu de profondes modifications ; mais je ne crois pas me rendre coupable de faire une lecture téléologique de cette histoire en disant que l’actuel cadre de pensée individualiste repose encore sur les mêmes postulats de liberté et de propriété. »
+++ !!! Il y a un boulevard critique (et pratique) à arpenter de ce côté, mais je ne pense pas que c’est avec nos approches subjectivistes qu’on va s’y aventurer, puisque je pense que leur implicite est précisément (entre quelques autres) ce rapport d’appropriation, fondamental du droit.
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Qu’entends-tu par « approches subjectivistes » ? Peux-tu développer ?
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Subjectivisme – au sens marxien du terme, que je fais globalement mien, la supposition d’une multiplicité de sujets sociaux, portant leur propre détermination – ce qui pose en référent naturalisé et implicite les « nécessités » (singulièrement celles de la survie-concurrence économiciste) vers lesquelles nous nous voyons contraints, de manière intégrée (« spontanéité » « raison ») de converger. Une approche non-subjectiviste suppose un seul sujet social (fait de formes valorisées : masculin, autonomie, richesse, appropriation) pour la réalisation duquel groupes et personnes s’étripent. Par ailleurs, il ne s’agit pas pour autant d’une approche objectiviste, dans le sens ou ce qui est posé comme « objectif » est précisément ce « coté sombre » du subjectif, bref ces « nécessités » socialement déterminées, mais déclarées anthropologiques et indépassables (le pouvoir, l’échange…) (ce qui est précisément la thèse de Foucault, qui pour moi était un type de droite – lire à ce sujet Isabelle Garo – « Foucault, Deleuze, Althusser et Marx »). Il y a, de ce point de vue bien entendu (ce sont toutes thèses) un piège dialectique dans les oppositions binaires, qui se tiennent elles-mêmes entièrement dans un cadre de compréhension bien déterminé.
Il faut aussi avouer que, d’expé, les échec récurrents de nos tentatives (féministes et tépégées par exemple), et des cadres dans lesquels nous les avons développées, a été pour moi le déclic – soit on accuse éternellement les « mauvaises externalités », soit on retravaille les prémisses. Le tout étant de se garder de la faire dans les directions « retour aux fondamentaux » et autres régressions, vers lesquelles la planche est abondamment savonnée. Tenter d’être féministes, matérialistes et novatrices, quoi – et se méfier des « évidences ».
Merci pour m’avoir fait connaître Macpherson ; en historienne du capitalisme, je suis évidemment intéressée par toutes les études sur les conceptions de la période dite moderne (que j’étends pour ma part à ce qu’on appelle la fin du moyen âge).
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En fait, et pour préciser ce que j’entends par l’échec des approches subjectivistes, c’est qu’elles se basent sur le principe de « neutralité » de certaines formes sociales vues comme « humaines » (mais très connotées tout de même, propriété, individualité, droit…), et donc sur la prémisse que si un « autre sujet social » les réalise ou se les « réapproprie », comme nous disons volontiers (en intégrant d’emblée le rapport sujet objet d’appropriation !), les conséquences en seront différentes. Mais deux siècles et quelques de tentative de réalisation de formes qui sont peut-être celles du capital idéal et de catas récurrentes devraient nous avoir rendues un peu sceptiques quant à l’existence de ces « autres sujets » que nous serions (identités ?). Et surtout nous remettre sous le nez l’hypothèse que la forme sociale totale crée peut-être son sujet, que nous sommes dès lors – et qu’on ne peut pas en sortir par le réalisation de cette forme. Bref que les buts comme le sujet de ces buts sont à revoir.
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